Plan de relance européen: un premier chèque pour la France
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Challenges – Concrètement, que vont financer les fonds de relance européens que va recevoir la France?
Anne Sophie Alsif – Comme les fonds proviennent de l’Union européenne, il y a trois secteurs qui sont considérés comme stratégiques, et tous les pays qui bénéficient du plan de relance doivent investir dans ces domaines. Le premier secteur est la numérisation de l’économie : 90% des entreprises sont des TPE-PME, des petites entreprises de moins de dix salariés. Avec la crise sanitaire, nous avons constaté que beaucoup de ces entreprises sont très peu numérisées. Pendant les confinements, elles ont dû fermer, très souvent elles n’avaient pas d’outils pour avoir un site Internet. L’idée de ce plan de relance est donc d’investir dans la numérisation pour que toutes ces petites et moyennes entreprises puissent se doter d’outils informatiques pour pouvoir avoir un site et vendre en ligne.
Le deuxième secteur concerne la rénovation énergétique, la Commission européenne a réaffirmé que malgré la crise du Covid, la transition écologique reste un objectif prioritaire. Cela concerne notamment la rénovation énergétique des bâtiments. Beaucoup de normes ont été mises en œuvre, par exemple dans cinq à dix ans nous ne pourrons plus vendre un bien immobilier s’il est classé F ou G. Le plan concerne également les primes, comme pour le secteur automobile. Elles permettent de changer votre véhicule pour en obtenir un plus ‘’propre’’. Une stratégie qui a permis à la France de perdre moins de ventes que les autres pays européens. De manière générale, ce plan de relance inclut des subventions mais également des prêts. Ces prêts sont justement octroyés aux entreprises des secteurs de la rénovation énergétique, de l’hydrogène, des batteries électriques afin de financer l’innovation.
Le troisième secteur est un plan à plus court terme, l’idée est de maintenir les mesures d’aides aux entreprises, de chômage partiel, notamment pour les secteurs qui ont été fortement impactés par la crise. Également d’élargir la garantie jeune pour essayer de les aider financièrement, et aussi d’investir dans la formation professionnelle. Il faut former aux nouveaux métiers tournés vers le numérique, et mettre massivement de l’argent dans tout ce qui est industrie du futur ou encore numérisation de l’économie. Le plan va permettre de mettre en place des formations adaptées pour des jeunes sans qualification qui souffrent d’un taux de chômage plus important, et qui sont les premières victimes du chômage de masse.
La France a-t-elle d’autres priorités?
Ces fonds ne sont pas consacrés uniquement à ces trois grands points, en effet. Dans son plan de relance, la France a fait le choix d’investir massivement dans la réindustrialisation. La mesure de la baisse massive des impôts de production, permet aujourd’hui d’accumuler une enveloppe de 20 milliards d’euros afin que notre pays soit plus compétitif face à l’Italie et à l’Allemagne, et de tenter d’attirer de nouvelles industries.
Comment est calculée l’enveloppe de 40 milliards d’euros que la France, troisième bénéficiaire du plan derrière l’Espagne et l’Italie, va recevoir?
Il s’agit d’une grande avancée innovante dans la construction européenne. Habituellement, au niveau de l’Union européenne, toutes les sommes sont calculées en fonction de la richesse que vous produisez, donc du PIB. Mais pour la première fois, l’argent est distribué en fonction de comment le pays a été impacté par la crise sanitaire. La somme versée a donc été calculée en fonction de la baisse du PIB. Le pays le plus impacté en Europe est l’Espagne, suivi de l’Italie puis de la France en troisième position avec une chute du PIB en 2020 de 8,3%.
La France était dans une situation financière qui lui a permis d’emprunter plus sur les marchés, et a pris 20 points de dette afin de financer des mesures de soutiens. L’Italie qui va recevoir 68,9 milliards, et l’Espagne 70 milliards, ne pouvant se permettre d’emprunter autant reçoivent donc plus d’argent de l’Union européenne. La somme versée dépend aussi des indicateurs des taux de chômage des entreprises (20% de chômage en Espagne), et aussi des cas de Covid (l’Italie ayant le plus souffert en Europe).
Nous pouvons donc parler d’une Union européenne plus solidaire que jamais?
Pas vraiment. Les pays sont aidés en fonction de l’impact de la crise, ce qui est assez nouveau et montre certes une certaine solidarité. Mais, si nous avons eu recours à ce plan c’est parce que nous n’avons pas de budget de la zone euro qui permet de faire des plans de relance conséquents. A chaque fois nous avons des plans hybrides mi-subventions, mi-prêts. Cela renvoie au problème de la zone euro qui n’est pas achevée, qui a une politique monétaire commune mais qui n’a pas de budget commun. La difficulté dans ce plan de relance est qu’il n’y a pas de politique décidée au niveau européen. Nous devons investir dans les trois mêmes secteurs, certes, mais par exemple sur l’industrie, en France si nous mettons en place une baisse des impôts de production, c’est pour concurrencer l’Allemagne et l’Italie au lieu de concurrencer la Chine et les Etats-Unis. Chaque pays reçoit des fonds, met en place sa propre politique sans se coordonner avec les autres Etats de l’Union européenne. C’est le regret de ce plan de relance. L’endettement est commun, mais chacun reçoit son argent et fait un peu ce qu’il veut en fonction de ses impératifs nationaux et non européens.
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