L’usine de Bergams, 283 salariés, liquidée sans poursuite d’activités
La liquidation judiciaire sans poursuite d’activité de l’usine de sandwich Bergams à Grigny, propriété du groupe agroalimentaire Norac, a été annoncée par le tribunal de commerce d’Evry, ce mercredi 17 novembre. L’épilogue d’une tragédie annoncée. Une activité siphonnée par la crise du Covid-19 en 2020, deux mois de grève et d’arrêt total de la production contre un accord de performance collective à partir de septembre 2021, des procédures devant les tribunaux pour blocage de l’usine… Après ces différentes blessures, le tribunal a estimé que Bergams ne pouvait plus se relever. La décision du Tribunal de commerce indique « que la situation est irrémédiablement compromise ». Le texte cite « la pandémie de Covid qui a fait chuter le chiffre d’affaires de 50% », « l’actionnariat qui ne souhaite plus remettre d’argent après des années d’investissement », « la situation sociale difficile », et l’impact de la grève.
Chez les salariés, le choc est violent. Joseph Belinga, employé de Bergams et délégué CFTC ne cache pas son émotion: « C’est dur, on s’y attendait un peu, mais en même temps, vous vous dites que le tribunal vous donnera peut-être un petit espoir pour continuer les activités. Maintenant, on n’a plus qu’à attendre la procédure. C’est dommage, on n’a pas fait grève pour fermer notre entreprise ». Le délégué déclare toujours penser
« Un coup de tonnerre »
Du côté des instances syndicales, la colère domine. Dans un communiqué commun, la CGT 91, FO 91, Sud Industrie et Solidaires 91 déclarent : « Bergams et le groupe Norac ont toujours refusé toutes négociations et volontairement laissé pourrir la situation, refusant même de se présenter à une médiation en Préfecture! ». L’entreprise Bergams, elle, dans un communiqué, s’attaque « à certains syndicats, suivis par une minorité de salariés » qui ont mis via « un blocage illicite du site », contre un accord que l’entreprise estimait nécessaire pour sa survie, « un coup d’arrêt fatal à l’activité de Bergams ». De leurs côtés, les grévistes ont toujours estimé que la grève, suivie selon eux par 90% des salariés de la chaîne de production, n’était pas de leur volonté, mais de celle des salariés, touchés par une perte de revenus (de 200 à 1.000 euros par mois) et une augmentation des horaires (de 35h à 37,5h par semaine).
Olivier Champetier, secrétaire fédéral de la CGT 91, s’emporte : « C’est un coup de tonnerre, un gâchis, on ne comprend pas la décision. Le procureur dans ses réquisitions avait dit qu’une liquidation lui semblait prématurée. Il n’y a pas eu d’alerte avant, il n’y a pas eu quoique ce soit. Et là, on liquide. » Catherine Fayet, secrétaire du syndicat Solidaires Essonne, approuve: « Le groupe Norac a proposé aujourd’hui même une augmentation de 60 euros par mois aux salariés de son usine de Nor’Pain en Normandie, actuellement en grève. Donc ils ont de l’argent! » Sud et la CGT étudient même les possibilités de recours juridiques, mais reconnaissent que les chances de succès sont étroites.
La quête d’un repreneur
En revanche, Joseph Belinga, délégué CFTC et employé de l’entreprise est catégorique: « Je ne ferai pas de recours, je ne vois pas l’intérêt. Les recours ne feront que prolonger la douleur, les collègues n’auront pas tout de suite leurs indemnités. Il faut permettre aux gens de ne plus espérer.” Dans son communiqué, Bergams assure que le groupe Norac n’était plus en mesure de soutenir l’entreprise. Hugues de Tailly, cofondateur et codirigeant de Bergams, ajoute « regretter amèrement ce dénouement tragique ». Le groupe, joint par Challenges, n’envisage pas de se porter candidat à la reprise de l’usine.
Sud et la CGT essaient maintenant de regarder devant eux. « Je ne vois pas pourquoi on ne trouverait pas de repreneur. Pourquoi, ça se ferait pas ? », clame Olivier Champetier. La CGT et Solidaires appellent l’Etat à « prendre ses responsabilités » et venir en aide à l’usine dans la recherche d’un repreneur. Ils jugent que les « 12 millions d’euros de prêt garanti par l’Etat » touchés par « Bergams et le groupe Norac » engagent l’Etat à suivre le dossier. Philippe Rio, maire de Grigny, tonne un unique mot d’ordre : « Mobilisation générale pour trouver un repreneur et sauver l’emploi ». Le maire de la commune la plus pauvre de France déclare être « à la chasse au repreneur » et exiger « une table ronde avec le gouvernement ».
Pour le maire, une usine de sandwichs ultra-frais a sa place dans la région: « Aujourd’hui, on ne peut pas se résigner à faire venir des sandwichs de Belgique pour desservir la région parisienne. Il y a la place pour ce type d’activité en région Ile-de-France ». Alors, il s’accroche: « Je suis maire de Grigny. Si j’étais du genre à me décourager, je me serais découragé depuis longtemps. Il faut se relever. Cette décision judiciaire clôt un chapitre. C’est la fin d’un chapitre, mais ce n’est pas la fin du livre. »
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