TotalEnergies et CMA-CGM se lancent dans de nouvelles ristournes
Après le temps des superprofits, celui des rabais en rafale? TotalEnergies a ainsi annoncé le 22 juilllet, une ristourne de 20 centimes par litre d’essence à la pompe entre septembre et octobre prochains, puis de 10 centimes entre novembre et décembre. Une annonce bienvenue pour les automobilistes qui vont se rendre dans ses stations. Mais un geste à nuancer, puisqu’il n’aura aucun impact sur le prix à la pompe des grandes surfaces, qui vendent 60% du carburant consommé en France. Les stations Total, habituellement bien plus cher, vont donc se contenter d’aligner un peu plus leurs prix avec ceux de Leclerc, Auchan, Carrefour et autres grandes enseignes.
Pressé par le gouvernement, le pétrolier n’est pas le seul multiplier les gestes. L’armateur marseillais CMA-CGM a aussi annoncé ce vendredi une baisse de 750 euros pour tous les conteneurs arrivant en France depuis l’Asie, et de 100 euros pour ceux partant du pays, dès le premier août. « Ces mesures représentent des réductions jusqu’à 25% du taux de fret », assure-t-on chez l’armateur. La société s’était déjà engagée début juin à diminuer de 500 euros le coût des conteneurs pour 14 enseignes de la grande distribution.
Dans un communiqué, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a salué cette décision : “il convient de souligner l’effort de l’armateur CMA-CGM, entreprise française mais géant mondial, qui a fait droit ce jour à plusieurs de nos demandes, en augmentant la réduction du taux de fret”.
Le transport maritime avait connu une congestion importante au sortir de la première phase de la crise du Covid-19. En moyenne, un conteneur de 40 pieds (12 mètres) entre Shanghai et Rotterdam se louait (en prix « flottant ») moins de 1500 dollars en mars 2020 avant d’atteindre 14 807 dollars en octobre 2021, et de retomber à 9092 dollars aujourd’hui. Une flambée des prix qui nourrit fortement l’inflation, puisque le coût du transport représente en moyenne 5% du prix d’un bien.
Des décisions pour calmer la vindicte politique
Face aussi à la pression médiatique, les deux groupes ont donc cédé à la pression du gouvernement, notamment de Bercy, qui a plusieurs fois appelé ces sociétés ultra-bénéficiaires à faire des gestes pour les consommateurs, ainsi qu’au déchaînement de critiques de la sphère politique et de la population. En cause: les 16 milliards de bénéfices de Total en 2021 et les 7,2 milliards de profits de CMA-CGM, pour le seul premier trimestre 2022. De nombreux députés se sont alors mobilisés pour appeler à taxer les profits de ces entreprises.
Sur BFMTV, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a salué « une décision juste, une décision forte et une décision bonne pour les consommateurs. » Mais pour Thierry Bros, professeur à Sciences Po et spécialiste de l’énergie, la ristourne du pétrolier est bien plus une opération de communication qu’une solution concrète pour aider les Français face à l’inflation: “Une opération d’affichage qui coûte quelques cacahuètes et permet de calmer les détracteurs. »
De son côté, Rodolphe Saadé, le patron de CMA-CGM, a déjà exprimé sa crainte de perdre en compétitivité en cas de taxation de ses profits. Pour calmer la polémique, lui aussi a préféré le geste commercial. Un geste qui n’a pas convaincu la gauche. Dans un tweet, le député François Ruffin (Nupes) critique ainsi l’impact minime des ristournes de Total au regard d’une réelle taxation:
L’opération pièces jaunes continue ! La première « remise » avait coûté 58 millions à Total. Soit 0,33% de son bénéfice ! Et 0% d’impôt sur les sociétés. Quand la petite boîte du coin paie 24,74%, et sans en faire de publicité…
Ce sont des milliards qu’on doit récupérer. https://t.co/hkEsf9tiIA
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) July 22, 2022
La CPME n’est pas du même avis: “Se contenter de taxer les profits en faisant rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat ne résoudrait en rien les difficultés des PME”, nuance la confédération. “L’un et l’autre ne sont pas indissociables, tant mieux s’ils baissent les prix mais ça ne justifie pas qu’on ne taxe pas les superprofits qu’ils engrangent pendant que les Français souffrent”, rétorque Boris Vallaud, député socialiste des Landes.
Cette mesure fiscale, sous couvert de justice sociale, pourrait cependant s’avérer périlleuse si elle était mise en place: “On a la chance d’avoir un pétrolier mondial qu’on veut taxer, mais attention, continuons comme ça et Total partira du pays”, prévient Philippe Chalmin, économiste et expert des matières premières. Faux argument, selon Boris Vallaud : “Plusieurs de nos voisins l’ont fait, donc nous aussi on est capable de le faire”, scande Boris Vallaud.
Inciter d’autres acteurs à faire de même
Si ces cadors français ont fait l’effort de baisser leurs prix “Il est maintenant souhaitable que les autres acteurs de ce secteur [le fret], ou de celui de l’énergie, fassent de même”, souffle la CPME dans un communiqué.
Avec ses rangs de leader tricolore du fret maritime et de numéro trois mondial, CMA-CGM sera-t-il bientôt être suivi par des concurrents désireux d’être plus compétitifs? « Lorsque nous avons gelé nos taux de fret ‘flottant’ en septembre 2021, nous n’avons été suivi que par un seul d’entre eux” constate une responsable du ténor marseillais.
En revanche pour ce qui est des pétroliers… “Ils se fichent complètement de la décision de TotalEnergies et ne vont surement pas le suivre”, regrette Philippe Chalmin. Le chiffre d’affaires issu de la vente d’essence en station est en effet loin d’être aussi important que les activités de forage et de vente sur les marchés financiers. Selon l’expert, ces rivaux ont donc peu intérêt à multiplier les ristournes.
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