Olivier Marleix: « Nous sommes les seuls qui ne sont pas des godillots »
Il est l’homme le plus courtisé de France. Olivier Marleix, 51 ans, député d’Eure-et-Loire, dirige depuis le 28 juin dernier le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. 62 parlementaires capables de faire basculer l’adoption ou le rejet d’un texte dans le contexte inédit de l’absence de majorité absolue au Palais-Bourbon, hérité des dernières élections législatives. S’il se définit clairement dans l’opposition à Emmanuel Macron, « un social-démocrate prompt à la dépense publique », l’expérimenté parlementaire assume d’avoir opté pour « la voie du compromis » sur les premiers projets de loi (Pouvoir d’achat et Projet de finances rectificatives), fruits d’un compromis avec le Sénat. Il promet en outre de mener la bataille de la réduction de la dette, à la rentrée, lors de l’examen du budget à l’Assemblée.
Challenges – Selon une analyse réalisée sur les 121 premiers scrutins de la 16e législature, Les Républicains ont voté en commun à 74% avec Renaissance et le Modem, 75% avec Horizons… Le groupe LR est-il encore réellement dans l’opposition à Emmanuel Macron ?
Olivier Marleix, président du groupe LR – Ne tirez pas de conclusions hâtives. Il s’agit essentiellement de votes sur des amendements donc tout cela reste très anecdotique. Et on parle seulement de trois projets de loi : le projet de loi de sortie de l’état d’urgence, le projet de loi pouvoir d’achat et le projet de finances rectificatives. Nous avons été très clairs : nous sommes dans l’opposition à Emmanuel Macron. Nous ne partageons pas sa vision sociale-démocrate, sa propension à toujours plus de dépenses publiques. Nous venons par exemple de rejeter la loi de règlement pour acter notre opposition à une gestion financière que nous jugeons dangereuse pour le pays. Mais sur ces trois ces premiers textes d’urgence, nous avons pris l’option du compromis et obtenu gain de cause sur de nombreux sujets : le rachat des RTT, la défiscalisation et la « désocialisation » des heures supplémentaires, ou la baisse des prix du carburant… Par ailleurs, nous faisons preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle : quand nous votons des dépenses dans le texte pouvoir d’achat nous votons les recettes équivalentes dans le projet de loi de finances rectificative. Tout le monde n’a pas la même rigueur, certain même ne résiste jamais à la démagogie.
Selon un sondage BVA, 91% des sympathisants Les Républicains souhaitent que le groupe LR négocie avec le gouvernement plutôt qu’il s’oppose frontalement à l’exécutif. Cela ne limite-t-il pas vos marges d’action ?/p>
Nous vivons à l’Assemblée nationale aujourd’hui une configuration totalement inédite. Les Français ont voulu un contre-pouvoir fort au président de la République. Ils ont réélu Emmanuel Macron dans le contexte particulier de la guerre en Ukraine et en même temps ont fait le choix de le priver de majorité absolue pour l’obliger à coopérer et à écouter tous les groupes parlementaires. Les Français attendent de nous des actes. C’est ce que nous avons fait sur ces deux textes. Cela ne nous empêche pas de nous opposer. Sur l’état d’urgence, par exemple, nous avons fait chuter l’article 2, privant le gouvernement de la possibilité de rétablir un pass sanitaire, voire un pass vaccinal. Nous faisons clairement notre travail d’opposant, mais quand le gouvernement accepte nos propositions, nous n’allons pas voter contre.
La menace d’une dissolution rapide de l’Assemblée nationale ne fait-elle pas peser un risque plus fort sur Les Républicains, encore en convalescence après la présidentielle, et qui ont vu leur nombre de députés fortement divisé aux dernières élections législatives ?
Les électeurs ne comprendraient pas qu’il y ait si rapidement une situation de blocage. Les Français ont fait le choix de rééquilibrer le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, nous faisant une injonction à mieux nous respecter et mieux travailler ensemble. Les Français n’accepteraient pas une dissolution dans les six mois ou l’année qui vienne. Ils en feraient porter la responsabilité à ceux qui seraient à l’origine du blocage. Il y a des problèmes suffisamment graves à régler dans le pays, avec les enjeux pouvoir d’achat ou le retour inédit de l’inflation depuis quarante ans.
Vous pensez-vous capable de maintenir l’unité d’un groupe LR (62 députés) aux opinions et aux positionnements très divers ?
Si vous regardez les votes du groupe Les Républicains, vous verrez que les députés ont fait preuve d’une grande unité sur les premiers scrutins. Il y a une très grande cohérence dans ce groupe. La particularité, c’est qu’il n’y a chez nous aucun godillot. Nous sommes le seul groupe dont les députés ont été élus sur leur nom, sans la tête d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen sur leur affiche. Cela confère donc une indépendance de fait aux députés. Chaque député vote en son âme et conscience. Nous, nous ne sommes pas des « Playmobils« . Mais cette liberté de vote ne nous a pas empêchés de voter de manière très unie. Nous ne sommes pas aux Républicains par hasard : nous ne sommes fongibles ni dans le macronisme, ni dans le lepénisme.
Quels seront les combats menés par Les Républicains à l’Assemblée nationale ces prochains mois, notamment à l’arrivée du Budget dans l’hémicycle ?
Nous avons une profonde divergence de vue avec le gouvernement sur la question de la dette publique. Depuis cinq ans, elle a augmenté de près de 700 milliards dont au moins 500 milliards sont imputables à l’avant-Covid, comme l’a confirmé la Cour des comptes. Lors du dernier quinquennat, les déficits ont été abyssaux. Le meilleur déficit d’Emmanuel Macron (90 milliards), c’est moins bien que le pire déficit de l’ère Hollande ! Il y a eu un laxisme accru parce que je pense que le président de la République a cru un moment à cette idée folle que la dette n’était pas un problème, qu’elle pouvait ne pas être remboursée avec la théorie fumeuse de la dette perpétuelle, pouvant être titrisée… Nous, nous n’y avons jamais cru et aujourd’hui le ministre de l’Économie reconnaît que nous avons atteint la « cote d’alerte ». Le président a parlé de « déficits insoutenables ». Cela fait cinq ans que nous le disons. C’est bien que tout ce petit monde atterrisse.
La France est désormais dans la short-list des pays qui pourraient être menacés en cas de crise de la dette souveraine avec la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Nous sommes l’un des quatre maillons faibles de l’Union européenne. 24 pays sur 27 en Europe ont profité des taux négatifs pour se désendetter. Pas nous ! Emmanuel Macron a au fond de lui cet ADN de social-démocrate. Il n’a pas été le bras droit de François Hollande pour rien. Toutes les mesures qu’il a prises en faveur des entreprises ces cinq dernières années (baisse des impôts de production, flat tax) ont été financées par la dette. C’est irresponsable. La maîtrise et le redéploiement utile de la dépense publique reste une page blanche.
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